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Les biens sont loin de nous, et les maux sont ici :
C’est de l’esprit français la devise éternelle.
Je veux m’y conformer, et, d’un crayon fidèle,
Peindre notre Parnasse à tes regards chinois.
Écoute : mon partage est d’ennuyer les rois.
Tu sais (car l’univers est plein de nos querelles)
Quels débats inhumains, quelles guerres cruelles,
Occupent tous les mois l’infatigable main
Des sales héritiers d’Estienne et de Plantin[1].
Cent rames de journaux, des rats fatale proie,
Sont le champ de bataille où le sort se déploie.
C’est là qu’on vit briller ce grave magistrat[2]
Qui vint de Montauban pour gouverner l’État ;
Il donna des leçons à notre Académie,
Et fut très-mal payé de tant de prud’homie.
Du jansénisme obscur le fougueux gazetier[3]
Aux beaux esprits du temps ne fait aucun quartier ;
Hayer[4] poursuit de loin les encyclopédistes ;

  1. Probablement l’auteur donne l’épithète de sales aux imprimeurs, parce que leurs mains sont toujours noircies d’encre. Les Estienne et les Plantin étaient des imprimeurs très-savants et très-corrects, tels qu’il s’en trouve aujourd’hui rarement. (Note de Voltaire, 1771.)
  2. L’auteur fait allusion, sans doute, à un principal magistrat de la ville de Montauban, qui, dans son discours de réception à l’Académie française, sembla insulter plusieurs gens de lettres, qui lui répondirent par un déluge de plaisanteries. Mais ces facéties ne portent point sur l’essentiel, et laissent subsister le mérite de l’homme de lettres et celui du galant homme. (Id., 1771.)
  3. On ne peut méconnaître à ce portrait l’auteur du libelle hebdomadaire qu’on débite clandestinement et régulièrement sous le nom de Nouvelles ecclésiastiques, depuis plusieurs années. Rien ne ressemble moins à l’Ecclésiastique ou à l’Ecclésiaste que ce libelle dans lequel on déchire tous les écrivains qui ne sont pas du parti, et où l’on accable des plus fades louanges ceux qui en sont encore. Je ne suis pas étonné que l’auteur de l’Épître au roi de la Chine donne le nom d’obscur au jansénisme. Il ne l’était pas du temps de Pascal, d’Arnaud, et de la duchesse de Longueville ; mais depuis qu’il est devenu une caverne de convulsionnaires, il est tombé dans un assez grand mépris. Au reste, il ne faut pas confondre avec les jansénistes convulsionnaires les gens de bien éclairés qui soutiennent les droits de l’Église gallicane et de toute Église contre les usurpations de la cour de Rome. Ce sont de bons citoyens, et non des jansénistes : ils méritent les remerciements de l’Europe. (Id., 1771.)
  4. On croit que cet Hayer était un moine récollet qui avait part à un journal dans lequel on disait des injures au Dictionnaire encyclopédique. On appelait ce journal chrétien ; comme si les autres journaux de l’Europe avaient été païens. Les injures n’étaient pas chrétiennes. Bien des gens doutent que ce journal ait existé ; cependant il est certain qu’il a été imprimé plusieurs années de suite. (Id., 1771.)

    — Le journal du P. Hayer était intitulé Lettres sur quelques écrits de ce temps. Il le faisait en commun avec un avocat nommé Soret.


    Le Journal chrétien est un autre ouvrage auquel Hayer a pu travailler aussi