Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/370

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les eaux d’Hippocrène ou d’Égra,
Au lieu de l’onde sale et noire
Qu’en enfer il avalera ?
En ce cas il apportera
Son paquet et son écritoire,
Et près de vous il apprendra
Que sagesse vaut mieux que gloire.
Sur les arbres il écrira :
« Beaux lieux consacrés à la lyre,
Aux arts, aux douceurs du repos,
J’admirais ici mon héros,
Et me gardais de le lui dire. »




ÉPÎTRE LXXXIV.


AU ROI DE PRUSSE[1].


Blaise Pascal a tort, il en faut convenir ;
Ce pieux misanthrope, Héraclite sublime,
Qui pense qu’ici-bas tout est misère et crime,
Dans ses tristes accès ose nous maintenir
Qu’un roi que l’on amuse, et même un roi qu’on aime,
Dès qu’il n’est plus environné,
Dès qu’il est réduit à lui-même,
Est de tous les mortels le plus infortuné[2].
Il est le plus heureux s’il s’occupe et s’il pense.
Vous le prouvez très-bien ; car, loin de votre cour,
En hibou fort souvent renfermé tout le jour,
Vous percez d’un œil d’aigle en cet abîme immense
Que la philosophie offre à nos faibles yeux ;
Et votre esprit laborieux,
Qui sait tout observer, tout orner, tout connaître,
Qui se connaît lui-même, et qui n’en vaut que mieux,

  1. Cette pièce est de 1751. On l’a imprimée souvent avec le titre des Deux Tonneaux. (K.) — C’est sous ce titre, les Deux Tonneaux, qu’elle est imprimée dans la Bigarrure, tome XX, page 46, qui est du commencement de 1753. (B.)
  2. Voyez les Pensées de Pascal, Ire part., art. vii, no 1.