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Des dieux du Pinde et des amours
Saisis la faveur passagère ;
C’est le temps de l’illusion.
Je n’ai plus que de la raison :
Encore, hélas ! n’en ai-je guère.
Mais je vois venir sur le soir,
Du plus haut de son aphélie,
Notre astronomique Émilie[1]
Avec un vieux tablier noir,
Et la main d’encre encor salie.
Elle a laissé là son compas,
Et ses calculs, et sa lunette ;
Elle reprend tous ses appas :
Porte-lui vite à sa toilette
Ces fleurs qui naissent sous tes pas,
Et chante-lui sur ta musette
Ces beaux airs que l’Amour répète,
Et que Newton ne connut pas[2].




ÉPÎTRE LXXX.


À MONSIEUR DESMAHIS.


(1750)


Vos jeunes mains cueillent des fleurs
Dont je n’ai plus que les épines ;
Vous dormez dessous les courtines
Et des Grâces et des neuf Sœurs :
Je leur fais encor quelques mines,
Mais vous possédez leurs faveurs.
Tout s’éteint, tout s’use, tout passe :
Je m’affaiblis, et vous croissez ;

  1. Mme du Châtelet.
  2. L’épître à Darget qui vient ordinairement après cette pièce se trouve dans la Correspondance, lettre du août 1750.