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Entre avec elle, en lui serrant la main,
D’autres oiseaux de différent plumage,
Divers de goût, d’instinct, et de ramage,
En sautillant font entendre à la fois
Le gazouillis de leurs confuses voix ;
Et dans les cris de la folle cohue
La médisance est à peine entendue.
Ce chamaillis de cent propos croisés
Ressemble aux vents l’un à l’autre opposés.
Un profond calme, un stupide silence
Succède au bruit de leur impertinence ;
Chacun redoute un honnête entretien :
On veut penser, et l’on ne pense rien.
Ô roi David ! ô ressource assurée !
Viens ranimer leur langueur désœuvrée ;
Grand roi David, c’est toi dont les sizains[1]
Fixent l’esprit et le goût des humains.
Sur un tapis dès qu’on te voit paraître,
Noble, bourgeois, clerc, prélat, petit-maître,
Femme surtout, chacun met son espoir
Dans tes cartons peints de rouge et de noir[2] :
Leur âme vide est du moins amusée
Par l’avarice en plaisir déguisée.
De ces exploits le beau monde occupé
Quitte à la fin le jeu pour le soupé ;
Chaque convive en liberté déploie
À son voisin son insipide joie.
L’homme machine, esprit qui tient du corps,

  1. Tous les jeux de cartes sont à l’enseigne du roi David. (Note de Voltaire, 1756.)
  2. Variante :
    Dans tes cartons peints de rouge et de noir.
    Tu fais leur joie, et l’âme est abusée
    Par l’avarice en plaisir déguisée.
    C’est là qu’on voit l’Intérêt attentif,
    Qui d’un œil sombre et d’un esprit actif,
    En combinant que deux et deux font quatre,
    S’obstine à vaincre, et se plaît à combattre.
    Saint-Severin, et vous, grave du Theil,
    Travaillez-vous avec un soin pareil,
    Quand dans les murs bâtis par Charlemagne
    Vous rajustez la France et l’Allemagne !
    De ces exploits, etc.
    — Le marquis de Saint-Severin, l’un des plénipotentiaires au congrès d’Aix-la-Chapelle.