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D’un crayon vrai vous m’ordonnez de peindre
Son cœur modeste et ses brillants exploits.
Et Cumberland, que l’on a vu deux fois
Chercher ce roi, l’admirer, et le craindre.
Mais des bons vers l’heureux temps est passé ;
L’art des combats est l’art où l’on excelle.
Notre Alexandre en vain cherche un Apelle :
Louis s’élève, et le siècle est baissé.
De Fontenoy le nom plein d’harmonie
Pouvait au moins seconder le génie.
Boileau pâlit au seul nom de Voërden[1].
Que dirait-il si, non loin d’Helderen,
Il eût fallu suivre entre les deux Nèthes
Bathiani, si savant en retraites ;
Avec d’Estrée à Rosmal s’avancer ?
La Gloire parle, et Louis me réveille ;
Le nom du roi charme toujours l’oreille ;
Mais que Lawfelt est rude à prononcer[2] !
Et quel besoin de nos panégyriques,
Discours en vers, épîtres héroïques,
Enregistrés, visés par Crébillon[3],
Signés Marville[4], et jamais Apollon ?
De votre fils je connais l’indulgence ;
Il recevra sans courroux mon encens[5] ;
Car la Bonté, la sœur de la Vaillance,
De vos aïeux passa dans vos enfants.
Mais tout lecteur n’est pas si débonnaire ;
Et si j’avais, peut-être téméraire,
Représenté vos fiers carabiniers
Donnant l’exemple aux plus braves guerriers

  1. Boileau, épître IV, vers 11.
  2. Variante :
    Mais que Lawfelt est rude à prononcer
    Puis, quand ma voix, par ses faits enhardie,
    L’aurait chanté sur le plus noble ton,
    Qu’aurais-je fait ? blesser sa modestie,
    Sans ajouter à l’éclat de son nom.
    De votre fils, etc.
  3. M. Crébillon, de l’Académie française, examinateur des écrits en une feuille présentés à la police. (Note de Voltaire, 1750.)
  4. M. Feydeau de Marville, alors lieutenant de police. (Id., 1756.)
  5. Variante :
    Il agréera mon inutile encens,
    ou
    Il recevra mon inutile encens.