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Citoyen couronné, des préjugés vainqueur,
Vous m’écrivez en homme, et parlez à mon cœur.
Cet écrit vertueux, ces divins caractères,
Du bonheur des humains sont les gages sincères.
Ah, prince ! ah, digne espoir de nos cœurs captivés !
Ah ! régnez à jamais comme vous écrivez.
Poursuivez, remplissez des vœux si magnanimes :
Tout roi jure aux autels de réprimer les crimes ;
Et vous, plus digne roi, vous jurez dans mes mains
De protéger les arts, et d’aimer les humains.
Et toi[1] dont la vertu brilla persécutée.
Toi qui prouvas un Dieu, mais qu’on nommait athée,
Martyr de la raison, que l’Envie en fureur
Chassa de son pays par les mains de l’erreur,
Reviens, il n’est plus rien qu’un philosophe craigne ;
Socrate est sur le trône, et la Vérité règne.
Cet or qu’on entassait, ce pur sang des États,
Qui leur donne la mort en ne circulant pas,
Répandu par ses mains, au gré de sa prudence,
Va ranimer la vie, et porter l’abondance.
La sanglante injustice expire sous ses pieds :
Déjà les rois voisins sont tous ses alliés ;
Ses sujets sont ses fils, l’honnête homme est son frère :
Ses mains portent l’olive, et s’arment pour la guerre.
Il ne recherche point ces énormes soldats,
Ce superbe appareil, inutile aux combats,
Fardeaux embarrassants, colosses de la guerre,
Enlevés[2], à prix d’or, aux deux bouts de la terre ;
Il veut dans ses guerriers le zèle et la valeur,

    Peuples qu’il rend heureux, sujets qui l’adorez,
    À l’Europe étonnée annoncez votre maître.
    Les vertus, les talents, les plaisirs, vont renaître ;
    Les sages de la terre, appelés à sa voix,
    Accourent pour l’entendre, et reçoivent ses lois.
    Et toi, dont la vertu, etc.
    — Frédéric, n’étant que prince royal, avait passé quelques années dans une campagne qu’il avait ornée, et où il s’était perfectionné dans la connaissance des beaux-arts. C’est à quoi Voltaire fait allusion dans le sixième vers de cette variante. (B.)

  1. Le professeur Volf, persécuté comme athée par les théologiens de l’université de Hall, chassé par Frédéric II sous peine d’être pendu, et fait chancelier de la même université à l’avénement de Frédéric III. (Note de Voltaire, 1748.)
  2. Un de ces soldats, qu’on nommait Petit-Jean, avait été acheté vingt-quatre mille livres, (Id., 1748).