Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Qu’un roi n’aille donc point, épris d’un faux éclat,
Pâlissant sur un livre, oublier son état ;
Que plus il est instruit, plus il aime la gloire.
De ce monarque anglais vous connaissez l’histoire :
Dans un fatal exil Jacques[1] laissa périr
Son gendre infortuné, qu’il eût pu secourir.
Ah ! qu’il eût mieux valu, rassemblant ses armées,
Délivrer des Germains les villes opprimées,
Venger de tant d’États les désolations,
Et tenir la balance entre les nations,
Que d’aller, des docteurs briguant les vains suffrages,
Au doux enfant Jésus dédier ses ouvrages !
Un monarque éclairé n’est pas un roi pédant :
Il combat en héros, il pense en vrai savant.
Tel fut ce Julien méconnu du vulgaire,
Philosophe et guerrier, terrible et populaire.
Ainsi ce grand César, soldat, prêtre, orateur,
Fut du peuple romain l’oracle et le vainqueur.
On sait qu’il fit encor bien pis dans sa jeunesse[2] ;
Mais tout sied au héros, excepté la faiblesse.




ÉPÎTRE LIII.


À MADEMOISELLE DE T*****, DE ROUEN[3],
QUI AVAIT ÉCRIT À L’AUTEUR
CONJOINTEMENT AVEC M. DE CIDEVILLE.


(1738)


Quoi ! celle qui n’a dû connaître
Que les Grâces, ses tendres sœurs,

  1. Le roi Jacques fit un petit traite de théologie, qu’il dédia à l’enfant Jésus. (Note de Voltaire, 1756.)
  2. Variante :
    Il serait aujourd’hui votre modèle auguste,
    Et votre exemple en tout, s’il avait été juste.
  3. Cette épître est celle dont il est fait mention dans la lettre à Cideville, du 14 juillet 1738.