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De l’astre des saisons la robe étincelante :
L’émeraude, l’azur, le pourpre, le rubis,
Sont l’immortel tissu dont brillent ses habits.
Chacun de ses rayons, dans sa substance pure,
Porte en soi les couleurs dont se peint la nature ;
Et, confondus ensemble, ils éclairent nos yeux ;
Ils animent le monde, ils emplissent les cieux.
Confidents du Très-Haut, substances éternelles,
Qui brûlez de ses feux, qui couvrez de vos ailes
Le trône où votre maître est assis parmi vous,
Parlez : du grand Newton n’étiez-vous point jaloux ?
La mer entend sa voix. Je vois l’humide empire
S’élever, s’avancer vers le ciel qui l’attire :
Mais un pouvoir central arrête ses efforts ;
La mer tombe, s’affaisse, et roule vers ses bords.
Comètes, que l’on craint à l’égal du tonnerre.
Cessez d’épouvanter les peuples de la terre :
Dans une ellipse immense achevez votre cours ;
Remontez, descendez près de l’astre des jours ;
Lancez vos feux, volez, et, revenant sans cesse,
Des mondes épuisés ranimez la vieillesse.
Et toi, sœur du soleil, astre qui, dans les cieux,
Des sages éblouis trompais les faibles yeux,
Newton de ta carrière a marqué les limites ;
Marche, éclaire les nuits, tes bornes sont prescrites.
Terre, change de forme ; et que la pesanteur,
En abaissant le pôle, élève l’équateur[1] ;
Pôle immobile aux yeux, si lent dans votre course,
Fuyez le char glacé des sept astres de l’Ourse :
Embrassez, dans le cours de vos longs mouvements[2],
Deux cents siècles entiers par delà six mille ans.
Que ces objets sont beaux ! que notre âme épurée
Vole à ces vérités dont elle est éclairée !
Oui, dans le sein de Dieu, loin de ce corps mortel,

  1. Variante :
    Change de forme, ô terre ! et que ta pesanteur,
    Augmentant sous le pôle, élève l’équateur.

    Autre variante :
    Terre, change de forme, et que la pesanteur,
    Abaissant tes côtés, soulève l’équateur.
  2. C’est la période de la précession des équinoxes, laquelle s’accomplit en vingt-six mille neuf cents ans, ou environ. (Note de Voltaire, 1748.)