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L’ÉDUCATION D’UN PRINCE[1]


Puisque le dieu du jour, en ses douze voyages,
Habite tristement sa maison du Verseau,
Que les monts sont encore assiégés des orages,
Et que nos prés riants sont engloutis sous l’eau,
Je veux au coin du feu vous faire un nouveau conte :
Nos loisirs sont plus doux par nos amusements.
Je suis vieux, je l’avoue, et je n’ai point de honte
De goûter avec vous le plaisir des enfants.
Dans Bénévent jadis régnait un jeune prince
Plongé dans la mollesse, ivre de son pouvoir,
Élevé comme un sot, et, sans en rien savoir,
Méprisé des voisins, haï dans sa province.
Deux fripons gouvernaient cet État assez mince ;
Ils avaient abruti l’esprit de monseigneur,
Aidés dans ce projet par son vieux confesseur :
Tous trois se relayaient. On lui faisait accroire
Qu’il avait des talents, des vertus, de la gloire ;
Qu’un duc de Bénévent, dès qu’il était majeur,
Était du monde entier l’amour et la terreur ;
Qu’il pouvait conquérir l’Italie et la France ;
Que son trésor ducal regorgeait de finance ;

  1. Ce conte est aussi de la fin de 1763 (voyez la lettre à Damilaville, du 1er janvier 1764). Il a fourni à Rauquil-Lieutaud le sujet d’un drame héroïque en trois actes et en vers, intitulé le Duc de Bénévent, représenté, pour la première fois, par les comédiens italiens ordinaires du roi, le 10 juillet 1784 ; Paris, Vente, 1784, in-8o.

    Le Prince de Catane, opéra en trois actes, par feu Castel, joué le 4 mars 1813, imprimé la même année in-8o, a la même origine.

    Voltaire lui-même en avait tiré son Baron d’Otrante ; voyez tome V du Théâtre, page 477. (B.)