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Le dieu des vers, qu’on allait dédaigner[1],
Est, par ta voix, aujourd’hui sûr de plaire ;
Le dieu d’amour, à qui tu fus plus chère,
Est, par tes yeux, bien plus sûr de régner :
Entre ces dieux désormais tu vas vivre[2].
Hélas ! longtemps je les servis tous deux :
Il en est un que je n’ose plus suivre.
Heureux cent fois le mortel amoureux
Qui, tous les jours, peut te voir et t’entendre ;
Que tu reçois avec un souris tendre,
Qui voit son sort écrit dans tes beaux yeux ;
Qui, pénétré de leur feu qu’il adore[3],
À tes genoux oubliant l’univers,
Parle d’amour, et t’en reparle encore !
Et malheureux qui n’en parle qu’en vers !




ÉPÎTRE XXXIX.


À MADAME LA MARQUISE DU CHÂTELET,
SUR SA LIAISON AVEC MAUPERTUIS.


Ainsi donc cent beautés nouvelles
Vont fixer vos bouillants esprits ;
Vous renoncez aux étincelles,
Aux feux follets de mes écrits,
Pour des lumières immortelles ;
Et le sublime Maupertuis
Vient éclipser mes bagatelles.
Je n’en suis fâché, ni surpris ;

  1. Après avoir, en 1726, donné une tragédie d’Œdipe, en vers, Lamotte s’était avisé de mettre sa pièce en prose. (B.)
  2. Variante :
    Entre ces dieux désormais tu peux vivre.
  3. Variante :
    Qui meurt d’amour, qui te plaît, qui t’adore.
    Qui, pénétré de cent plaisirs divers,
    À tes genoux, etc.