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Par le pouvoir changeant d’une force centrale,
En gravitant vers nous s’approche de nos yeux,
Et pèse d’autant plus qu’elle est près de ces lieux.
Dans les limites d’un ovale.
J’en entends raisonner les plus profonds esprits,
Maupertuis et Clairaut, calculante cabale ;
Je les vois qui des cieux franchissent l’intervalle,
Et je vois trop souvent que j’ai très-peu compris.
De ces obscurités je passe à la morale ;
Je lis au cœur de l’homme, et souvent j’en rougis.
J’examine avec soin les informes écrits,
Les monuments épars, et le style énergique
De ce fameux Pascal, ce dévot satirique.
Je vois ce rare esprit trop prompt à s’enflammer ;
Je combats ses rigueurs extrêmes[1].
Il enseigne aux humains à se haïr eux-mêmes ;
Je voudrais, malgré lui, leur apprendre à s’aimer.
Ainsi mes jours égaux, que les muses remplissent,
Sans soins, sans passions, sans préjugés fâcheux,
Commencent avec joie, et vivement finissent
Par des soupers délicieux.
L’amour dans mes plaisirs ne mêle plus ses peines ;
La tardive raison vient de briser mes chaînes ;
J’ai quitté prudemment ce dieu qui m’a quitté ;
J’ai passé l’heureux temps fait pour la volupté.
Est-il donc vrai, grands dieux ! il ne faut plus que j’aime.
La foule des beaux-arts, dont je veux tour à tour
Remplir le vide de moi-même,
N’est pas encore assez pour remplacer l’amour[2].



  1. Voyez les Remarques sur Pascal.
  2. Fin de l’épître :
    Je fais ce que je puis, hélas ! pour être sage,
    Pour amuser ma liberté ;
    Mais si quelque jeune beauté,
    Empruntant ta vivacité,
    Me parlait ton charmant langage,
    Je rentrerais bientôt dans ma captivité.