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Si jamais amant dans ses bras
N’a froissé leurs gauches appas,
Si les neuf muses sont pucelles,
Les trois Grâces ne le sont pas.
Quittez donc votre faible excuse ;
Vos jours languissent consumés
Dans l’abstinence qui les use :
Un faux préjugé vous abuse.
Chantez, et, s’il le faut, rimez ;
Ayez tout l’esprit d’une muse :
Mais, si vous êtes Grâce, aimez.




ÉPÎTRE XXXVI.


À UNE DAME,
OU SOI-DISANT TELLE[1].


(1732)


Tu commences par me louer.
Tu veux finir par me connaître :
Tu me loueras bien moins. Mais il faut t’avouer
Ce que je suis, ce que je voudrais être[2].

  1. Cette pièce fut imprimée dans le Mercure de France, en 1732. Un Breton, nommé Desforges-Maillard, qui faisait assez facilement des vers médiocres, s’était amusé à insérer dans les journaux des pièces de vers sous le nom de Mlle Malcrais de La Vigne. Plusieurs poètes célèbres lui répondirent par des galanteries. Cette facétie dura quelque temps. Piron employa cette aventure d’une manière très-heureuse dans sa Métromanie. M. de Voltaire, en conservant sa pièce, en retrancha toutes les choses galantes qu’il adressait à Mlle Malcrais, et qu’elle méritait si peu. De tous les vers qu’elle a faits ou inspirés, ce sont les seuls qui soient restés. (K.)
  2. Commencement de l’épître :
    Toi dont la voix brillante a volé sur nos rives,
    Toi qui tiens dans Paris nos muses attentives,
    Qui sais si bien associer
    Et la science et l’art de plaire,
    Et les talents de Deshoulière,
    Et les études de Dacier,
    J’ose envoyer aux pieds de ta muse divine
    Quelques faibles écrits, enfants de mon repos :