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De cent couleurs bizarrement ornée,
L’argent en main, elle marche la nuit ;
Au fond d’un sac elle a la destinée
De ses suivants, que l’intérêt séduit,
Guiche, en riant, par la main la conduit ;
La froide Crainte et l’Espérance avide
À ses côtés marchent d’un pas timide ;
Le Repentir à chaque instant la suit,
Mordant ses doigts et grondant la perfide.
Belle Philis, que votre aimable cour
À nos regards offre de différence !
Les vrais plaisirs brillent dans ce séjour ;
Et, pour jamais bannissant l’espérance,
Toujours vos yeux y font régner l’amour.
Du biribi la déesse infidèle
Sur mon esprit n’aura plus de pouvoir ;
J’aime encor mieux vous aimer sans espoir,
Que d’espérer jour et nuit avec elle.




ÉPÎTRE XXV.


À MONSIEUR DE GERVASI, MÉDECIN[1].


(1723)


Tu revenais couvert d’une gloire éternelle ;
Le Gévaudan[2] surpris t’avait vu triompher
Des traits contagieux d’une peste cruelle,
Et ta main venait d’étouffer
De cent poisons cachés la semence mortelle.
Dans Maisons cependant je voyais mes beaux jours
Vers leurs derniers moments précipiter leur cours.

  1. Cette épître fut imprimée à Paris, en 1726, avec une version latine. (K.)
  2. M. de Gervasi, célèbre médecin de Paris, avait été envoyé dans le Gévaudan pour la peste, et à son retour il est venu guérir l’auteur, de la petite vérole, dans le château de Maisons, à six lieues de Paris, en 1723. (Note de Voltaire, 1756.)