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202 DIALOGUE DE PÉGASE ET DU VIEILLARD. [m]

N"as-tu pas vu cent fois à la tragique scène, Sous le nom de Clairon, l'altièrc Melpomène, Et l'éloquent Lekain, le premier des acteurs. De tes drames rampants ranimant les langueurs, Corriger, par des tons f[ue dictait la nature, De ton style ampoulé la froide et sèche enflure ? De quoi te plaindrais-tu? Parle de bonne foi : Cinquante bons esprits, qui valent mieux que toi, A'"ont-ils pas, à leurs frais, érigé la statue Dont tu n'étais pas digne, et qui leur était due? Malgré tous tes rivaux, mon écuyer Pigal Posa ton corps tout nu sur un beau piédestal ; Sa main creusa les traits de ton visage étique, Et plus d'un connaisseur le prend pour un antique. Je vis Martin Fréron, à le mordre attaché, _r |'|\ Consumer de ses dents tout l'ébèné ébréché. Je vis ton buste rire à l'énorme grimace Que fit, en le rongeant, cet apostat d'Ignace. Viens donc rire avec nous ; viens fouler à tes pieds De tes sots ennemis les fronts humiliés. Aux sons de ton sifflet, vois rouler dans la crotte Sabatier sur Clément, Patouillet sur Nonotte' ;

lauriers et d'exposer sa tête octogénaire à la rigueur des saisons. (Note de M. de Morza, 1774.)

— Voltaire à son four se trompe dans cette note. La première édition des Annales de l'abbé de Saint-Pierre a été imprimée en 1757, comme Voltaire le dit dans son Siècle de Louis XIV.

1. Cet homme était venu de Dijon à Paris avec sa tragédie de Charles /'"'", et sa tragédie de Médée. Il ne put venir à bout de les faire représenter. La faim le pres- sait; il s'engagea avec un libraire à lui fournir des critiques contre les premiers livres qui auraient du succès. 11 obtint quelque argent à compte sur ses satires à venir. M. de Saint-Lambert donnait alors ses Saisons, M. Delilie sa traduction de Virgile, M. Dorât son poëme sur la déclamation, M. Watelet son poème sur la peinture. Voilà l'écolier Clément qui se met vite à écrire contre ces maîtres de l'art, et qui leur donne des leçons comme à des disciples dont il serait mécontent. S'il n'avait eu que ce ridicule on n'en aurait pas parlé, on ne l'aurait pas connu ; mais pour rendre ses leçons plus piquantes il y môle des traits personnels; il outrage une dame respectable. Alors on sait qu'il existe, la police met mon pédant dans je ne sais quelle prison, soit Bicôtre, soit le Fort-l'Évêque. M. de Saint-Lambert a la générosité de solliciter sa grâce, et d'obtenir son élargissement. Que fait le critique alors? 11 persuade qu'on ne lui a fait cette correction que pour avoir enseigné l'art d'écrire, pour avoir soutenu la cause du bon goût, qui sans lui allait expirer en France, et qu'il est, comme Fréron, victimo de ses grands talents.

Sorti de prison, il fait un nouveau libelle, dans lequel il insulte un conseiller de grand'chambre, fils d'un magistrat de la chambre des comptes; il dit ingénieu- sement qu'il est fils d'un pâtissier, et ce magistrat a dédaigné de le faire remettre

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