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[lo-i] LE PAUVRE DIABLE. lOi?

— Cette maison d'une nouvelle espèce, Où je restai longtemps inanimé, Était un antre, un repaire enfumé, Où s'assemblait six fois en deux semaines Un reste impur de ces énergumènes\ De Saint-Médard effrontés charlatans, Trompeurs, trompés, monstres de notre temps. Missel en main, la cohorte infernale Psalmodiait en ce lieu de scandale. Et s'exerçait à des contorsions Qui feraient peur aux plus hardis démons. Leurs hurlements en sursaut m'éveillèrent ; Dans mon cerveau mes esprits remontèrent ; Je soulevai mon corps sur mon grabat, Et m'avisai que j'étais au sabbat. Un gros rabbin de cette synagogue. Que j'avais vu ci-devant pédagogue, Me reconnut : le bouc s'imagina Qu'avec ses saints je m'étais couché là -. Je lui contai ma honte et ma détresse. Maître Abraham ^ après cinq ou six mots De compliment, me tint ce beau propos :

« J'ai comme toi croupi dans la bassesse, « Et c'est le lot des trois quarts des humains : « Mais notre sort est toujours dans nos mains. « Je me suis fait auteur, disant la messe,

1. Il y avait on effet alors, auprès de l'hôtel de la Comédie italienne, une mai- son où s'assemblaient tous les convulsionnaires, et où ils faisaient des miracles. Ils étaient protégés par un président au parlement, nommé du Bois, après l'avoir été par un Carré de Montgeron, conseiller au même parlement. Cette secte de con- vulsionnaires, celle des moraves, des ménonistes, des piétistes, font voir comment certaines religions peuvent aisément s'établir dans la populace, et gagner ensuite les classes supérieures. Il y avait alors plus de six mille convulsionnaires à Paris. Plu- sieurs d'entre eux faisaient des choses très-extraordinaires. On rôtissait des filles sans que leur peau fût endommagée; on leur donnait des coups de bûche sur l'estomac sans les blesser; et cela s'appelait donner des secours. Il y eut des boiteux qui marchèrent droit, et des sourds qui entendirent. Tous ces miracles commençaient par un psaume qu'on récitait en langue vulgaire; on était saisi du Saint-Esprit, on prophétisait; et quiconque dans l'assemblée se serait permis de rire aurait couru risque d'être lapidé. Ces farces ont duré vingt ans chez les Welches. {Note de Vol- taire, 1771.)

2. Variante:

caché là.

3. C'est Abraham Chaumeix, vinaigrier et théologien, dont on a parlé ailleurs. {Note de Voltaire, 1771.) — Voyez ci-après une note du Russe à Paris.

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