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100 LE PAUVRE DIABLE.

Comment trouver un état, un emploi? Sur mon destin, de grâce, instruisez-moi.

— Il faut s'instruire et se sonder soi-même, S'interroger, ne rien croire que soi.

Que son instinct ; bien savoir ce qu'on aime ; Et, sans chercher des conseils superflus. Prendre l'état qui vous plaira le plus.

— J'aurais aimé le métier de la guerre.

— Qui vous retient? allez; déjà l'hiver A disparu ; déjà gronde dans l'air L'airain hruyant, ce rival du tonnerre : Du duc Broglie^ osez suivre les pas: Sage en projets, et vif dans les combats. Il a transmis sa valeur aux soldats ;

Il va venger les malheurs de la France : Sous ses drapeaux marchez dès aujourd'hui, Et méritez d'être aperçu de lui.

— Il n'est plus temps ; j'ai d'une lieutenance Trop vainement demandé la faveur,

Mille rivaux briguaient la préférence : C'est une presse! En vain Mars en fureur De la patrie a moissonné la fleur, Plus on en tue, et plus il s'en présente ; Ils vont trottant des bords de la Charente, De ceux du Lot, des coteaux champenois, Et de Provence, et des monts francs-comtois. En botte, en guêtre, et surtout en guenille, Tous assiégeant la porte de Cremille^, Pour obtenir des maîtres de leur sort Un beau brevet qui les mène à la mort. Parmi les flots de la foule empressée. J'allai montrer ma mine embarrassée ; Mais un commis, me prenant pour un sot, Me rit au nez, sans me répondre un mot ; Et je voulus, après cette aventure. Me retourner vers la magistrature.

��1. Victor-François, duc de Broglio, né le 19 octobre 1718, créé maréchal de France le 16 décembre 1759, mort à Munster on ISOi. Son père et son aïeul avaient été aussi maréchaux de France.

2. M. de Crcmille, lieutenant-général, était cbargé alors du département de la guerre, sous M. le maréchal de Belle-Isle. {Note de Voltaire, 1V71.)

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