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LXII
JUGEMENTS SUR VOLTAIRE.

Un écrivain qui en tout est l’opposé de Bossuet, Voltaire, publie son Essai sur les Mœurs et l’Esprit des nations. Dans cet ouvrage, il ne se propose pas d’expliquer les révolutions des empires par l’intervention de la Providence. « Trois choses, dit-il, influent sans cesse sur l’esprit des hommes, le climat, le gouvernement, la religion. C’est la seule manière d’expliquer l’énigme du monde. » Il ne bornera donc pas l’histoire au récit des événements ; mais il essaiera de montrer comment la plupart de ces événements sont sortis, pour ainsi dire, comme une conséquence naturelle, du climat et des institutions politiques et religieuses. Point de vue tout nouveau, comme vous le voyez, et purement humain. Plus d’hypothèse grandiose, plus de surnaturel, et surtout plus d’exclusion. Les peuples, que Bossuet avait pour ainsi dire retranchés de l’humanité, rentrent dans leurs droits et reprennent la place qui leur revient...

Mais ce qui importe dans un ouvrage de ce genre, c’est l’idée générale. Quelle est celle qui a guidé et soutenu Voltaire dans cette vaste revue des peuples ? Plus d’une fois il a détourné les yeux avec horreur du spectacle que lui présentaient les choses humaines. Que de guerres atroces ! que de crimes ! que de folies ! Il semble que les hommes n’aient été créés que pour se déchirer : l’ambition, la cupidité, la vanité, le fanatisme surtout, exercent en tout temps, en tous lieux, les plus cruels ravages. Quoi ! l’histoire du monde ne serait-elle que l’inventaire des maux que les hommes se sont faits les uns aux autres ? Gardons-nous de le croire. Divisés et ennemis sur tant de points, ils sont unis sur un point essentiel, la loi morale. Celle-ci n’est pas arbitraire et variable comme les lois écrites ; elle n’élève pas entre les peuples des barrières artificielles, elle les fait tomber ; elle doit peu à peu se communiquer pour ainsi dire de la conscience à l’intelligence, et préparer ainsi une harmonie universelle. (La Prose, huitième leçon.)



FIN DES JUGEMENTS SUR VOLTAIRE.