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HISTORIQUE.

Quelle barbare inconséquence !
malheureux siècle ignorant !
Nous osions abhorrer en France
Les horreurs de l’intolérance,
Tandis qu’un zèle intolérant
Nous faisait brûler un errant !

Pour notre prêtre épistolaire,
Qui de son pétulant essor,
Pour exhaler sa bile amère,
Vient réveiller le chat qui dort,
Et dont l’inepte commentaire
Met au jour ce qu’il eût dû taire,
Je laisse à juger s’il a tort.
Quant à vous, célèbre Voltaire,
Vous eûtes tort ; c’est mon avis.
Vous vous plaisez dans ce pays,
Fêtez le saint qu’on y révère.
Vous avez à satiété
Les biens où la raison aspire :
L’opulence, la liberté,
La paix, qu’en cent lieux on désire ;
Des droits à l’immortalité,
Cent fois plus qu’on ne saurait dire
On a du goût, on vous admire ;
Tronchin veille à votre santé.
Cela vaut bien, en vérité,
Qu’on immole à sa sûreté
Le plaisir de pincer sans rire.

Notre auteur répondit à ces jolis vers par ceux-ci :

Non, je n’ai point tort d’oser dire
Ce que pensent les gens de bien ;
Et le sage qui ne craint rien
A le beau droit de tout écrire[1].

On voit par cette réponse qu’il n’était ni à Apollo, ni à Céphas, et qu’il prêchait la tolérance aux églises protestantes ainsi qu’aux églises romaines. Il disait toujours que c’était le seul moyen de

    pas pourquoi le poëte genevois aurait appelé le supplice de Servet un coup d’État ; le terme propre est assassinat, et la rime est plus riche. (K.) — Les éditeurs de Kehl, auteurs de cette note, le sont peut-être aussi de la correction. L’édition originale du Commentaire historique, et toutes celles du vivant de l’auteur que j’ai pu voir, portent :

    À ce dangereux coup d’État. (B.)

  1. Voyez les six autres stances de cette pièce dans le tome VIII, page 529.