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À quel horrible luxe elle s’est emportée !
Cette maison, je crois, du Diable est habitée ;
Et j’y mettrais le feu, sans les dépens maudits
Qu’à brûler les maisons il en coûte à Paris.

M. Gripon.

Il parle longtemps seul, c’est signe de démence.

M. Duru.

Je l’ai bien mérité par ma sotte imprudence.
À votre femme un mois confiez votre bien,
Au bout de trente jours vous ne retrouvez rien.
Je m’étais noblement privé du nécessaire :
M’en voilà bien payé : que résoudre, que faire ?
Je fuis assassiné, confondu, ruiné.

M. Gripon.

Bonjour, compère. Eh bien ! vous avez terminé
Assez heureusement un assez long voyage.
Je vous trouve un peu vieux.

M. Duru.

Je vous trouve un peu vieux.Je vous dis que j’enrage.

M. Gripon.

Oui, je le crois, il est fort trisse de vieillir ;
On a bien moins de temps pour pouvoir s’enrichir.

M. Duru.

Plus d’honneur, plus de règle, et les lois violées !…

M. Gripon.

Je n’ai violé rien, les choses sont réglées.
J’ai pour vous dans mes mains, en beaux et bons papiers
Trois cent deux mille francs, dix-huit sols neuf deniers.
Revenez-vous bien riche ?

M. Duru.

Revenez-vous bien riche ?Oui.

M. Gripon.

Revenez-vous bien riche ? Oui.Moquez-vous du monde.

M. Duru.

Oh ! j’ai le cœur navré d’une douleur profonde.
J’apporte un million tout au plus ; le voilà.

(Il montre son portefeuille.)

Je fuis outré, perdu.

M. Gripon.

.

Je fuis outré, perdu.Quoi ! n’est-ce que cela ?
Il faut se consoler.