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Damis.

Je parle pour ma sœur.

Érise.

Je parle pour ma sœur.Je parle pour mon frère.

Le Marquis.

Moi, je parle pour tous.

Madame Duru.

Moi, je parle pour tous.Écoutez donc tous trois.
Vos amours sont charmants, et vos goûts sont mon choix :
Je sens combien m’honore une telle alliance ;
Mon cœur à vos plaisirs se livre par avance.
Nous ferons tous contents, ou bien je ne pourrai :
J’ai donné ma parole, et je vous la tiendrai.

Damis, Érise, Le Marquis, ensemble.

Ah !

Madame Duru.

Ah !Mais…

Le Marquis.

Ah ! Mais…Toujours des mais ! vous allez encor dire,
Mais mon mari.

Madame Duru.

Mais mon mari.Sans doute.

Érise.

Mais mon mari. Sans doute.Ah ! quels coups !

Damis.

Mais mon mari. Sans doute. Ah ! quels coups !Quel martyre !

Madame Duru.

Oh ! laissez-moi parler. Vous saurez, mes enfants,
Que quand on m’épousa j’avais près de quinze ans.
Je dois tout aux bons soins de votre honoré père :
Sa fortune déjà commençait à se faire ;
Il eut l’art d’amasser et de garder du bien,
En travaillant beaucoup et ne dépensant rien.
Il me recommanda, quand il quitta la France,
De fuir toujours le monde, et surtout la dépense :
J’ai dépensé beaucoup à vous bien élever ;
Malgré moi le beau monde est venu me trouver.
Au fond d’un galetas il reléguait ma vie,
Et plus honnêtement je me suis établie.
Il voulait que son fils, en bonnet, en rabat,
Traînât dans le palais la robe d’Avocat :
Au Régiment du Roi je le fis Capitaine.