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Scène III.

MADAME DURU, LE MARQUIS, ÉRISE, DAMIS.
Damis.

Il est mon père.Ah ! l’on parle donc ici
D’hyménée et d’amour ? Je veux m’y joindre aussi.
Votre bonté pour moi ne s’est point démentie ;
Ma mère me mettra, je crois, de la partie.
Monsieur a la bonté de m’accorder sa sœur ;
Je compte absolument jouir de cet honneur,
Non point par vanité mais par tendresse pure :
Je l’aime éperdument, et mon cœur vous conjure
De voir avec pitié ma vive passion.
Voyez-vous, je fuis homme à perdre la raison ;
Enfin, c’est un parti qu’on ne peut plus combattre.
Une noce après tout suffira pour nous quatre.
Il n’est pas trop commun de savoir en un jour
Rendre deux cœurs heureux par les mains de l’amour ;
Mais faire quatre heureux par un seul coup de plume,
Par un seul mot, ma mère, et contre la coutume,
C’est un plaisir divin qui n’appartient qu’à vous ;
Et vous serez, ma mère heureuse autant que nous.

Le Marquis.

Je réponds de ma sœur, je réponds de moi-même ;
Mais madame balance, et c’est en vain qu’on aime.

Érise.

Ah ! vous êtes si bonne ! auriez-vous la rigueur
De maltraiter un fils si cher à votre cœur ?
Son amour est si vrai, si pur, si raisonnable !
Vous l’aimez, voulez-vous le rendre misérable ?

Damis.

Désespérerez-vous par tant de cruautés
Une fille toujours souple à vos volontés ?
Elle aime tout de bon, et je me persuade
Que le moindre refus va la rendre malade.

Érise.

Je connais bien mon frère, et j’ai lu dans son cœur ;
Un refus le ferait expirer de douleur.
Pour moi, j’obéirai sans réplique à ma mère.