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DISSERTATION SUR LA TRAGÉDIE. 491

Sprezza il furor del venlo

Robusta quercia, avvezza

Di cenlo verni e cento

L’ingiurie a tollerar. E se pur cade à suolo,

Spiega per l’onde il volo ;

E con quel vento islesso

Va contrasUndo in mar.

Il y en a beaucoup de cette espèce ; mais que sont des beautés hors de place ? et qu’aurait-on dit dans Athènes si (Edipe et Oresto avaient, au moment de la reconnaissance, chanté des petits airs fredonnés, et débité des comparaisons à Jocaste et à Electre ? II faut donc avouer que Topéra, en séduisant les Italiens par les agréments de la musique, a détruit d’un côté la véritable tragédie grecque qu’il faisait renaître de l’autre.

Notre opéra français nous devait faire encore plus de tort ; notre mélopée rentre bien moins que la vôtre dans la déclamation naturelle ; elle est plus languissante ; elle ne permet jamais que les scènes aient leur juste étendue ; elle exige des dialogues courts en petites maximes coupées, dont chacune produit une espèce de chanson.

Que ceux qui sont au fait de la vraie littérature des autres nations, et qui ne bornent pas leur science aux airs de nos ballets, songent à cette admirable scène dans la Clemenza di Tito, entre Titus et son favori qui a conspiré contre lui ; je veux parler de cette scène où Titus dit à Sextus ces paroles * :

Siam soli : il tuo sovrano Non è présente. Apri il tuo core à Tito, Confidati ail’amico ; io ti prometto Che Auguste nol sapra.

Qu’ils relisent le monologue suivant, où Titus dit ces autres paroles, qui doivent être l’éternelle leçon de tous les rois, et le charme de tous les hommes * :

Il terre altrui la vita

È facoltà comune

Al più vil della terra ; il darla è solo

De’numi, e de’régnanti.

1. Clémence de Titus^ acte UI, scène vi.

2. /6td., acte III, scène vu.