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AVERTISSEMENT POUR LA PRÉSENTE ÉDITION.


Voltaire était en pleine faveur. Son poëme de Fontenoy avait achevé de lui conquérir la bienveillance de la cour. Le duc de Richelieu lui commanda un second ouvrage dans le genre de la louauge et de l’apothéose, et Voltaire composa le Temple de la Gloire, cette fois encore en société avec le musicien Rameau. Cet opéra fut mis en scène avec beaucoup de magnificence. Le Dangeau du règne, le duc de Luynes, inscrit dans ses Mémoires : c Le spectacle et les décorations m’ont paru être approuvés. La musique est de Rameau, on a trouvé plusieurs morceaux qui ont plu ; et le roi même, à son grand couvert, le soir, en parla comme ayant été content. Les paroles sont de Voltaire ; elles sont fort critiquées. Voltaire était le soir aussi au souper du roi, et le roi ne lui a dit mot. »

Voltaire, après la représentation, dit-il à Louis XV : « Trajan est-il content ? Condorcet rapporte Tanecdote sans en garantir l’authenticité. M. G. Desnoiresterres la tient pour douteuse : c Voltaire n’y a jamais fait la moindre allusion ; nous en avons vainement cherché la trace dans les écrits et les correspondances du temps, et ce n’est que trente ans après qu’on s’est avisé de la raconter, sans encore trop y croire, et sous une forme purement dubitative. Laharpe la maintient dans ces termes : « La vérité est (et j’en suis parfaitement sûr) qu’il vint (Voltaire), après le spectacle, à la a loge du roi, qui était fort entouré, et que, se penchant jusqu’à l’oreille du maréchal, qui était derrière le roi, il lui dit assez haut pour que tout le a monde l’entendit : Trajan est-il conlenlf Le maréchal ne répondit rien, a et Louis XV, qu’on embarrassait aisément, laissa voir sur son visage son mécontentement de cette saillie poétique. » Ainsi présentée, l’aventure est au moins vraisemblable. Ce n’est plus d’ailleurs au roi lui-même que l’auteur du Temple de la Gloire s adresse : c’est à Richelieu, et si le roi ne s’accommode point d’une aussi délicate flatterie, tant pis pour le roi. Mais Laharpe, au lieu de prendre ce ton d’oracle qui n’a point de preuves à fournir, eût mieux fait d’indiquer ses sources. Un pareil soin n’est jamais inutile. Pour y avoir manqué, il nous laisse nos doutes, que fortifie étrangement le silence du duc de Luynes. L’anecdote eût été réelle que ce dernier l’eût connue dans tous ses détails et n’eût pas manqué de la consigner dans ses Mémoires ; certes, elle en valait bien la peine, et ce n’est