Les chagrins sont pour moi ; la douleur de mon père,
Sa vertu, cet opprobre à ma fuite attaché,
Voilà les déplaisirs dont mon cœur est touché :
Mais vous qui retrouvez un sceptre, une couronne.
Vos parents, vos amis, tout ce que j’abandonne.
Qui de votre bonheur n’avez point à rougir ;
Vous qui m’aimez enfin…
Pourrais-je vous trahir ?
Non, je ne puis.
Hélas ! je vous en crois sans peine :
Vous sauvâtes mes jours, je brisai votre chaîne ;
Je vois en vous, Ramire, un vengeur, un époux :
Vos bienfaits et les miens, tout me répond de vous.
Sous un ciel inconnu le destin vous envoie.
Je le sais, je le veux, je le cherche avec joie ;
C’est vous qui m’y guidez.
C’est à vous de juger
Qu’on à tout à souffrir chez un peuple étranger ;
Coutumes, préjugés, mœurs, contraintes nouvelles,
Abus devenus droits, et lois souvent cruelles.
Qu’importe à notre amour ou leurs mœurs ou leurs droits ?
Votre peuple est le mien, vos lois seront mes lois.
J’en ai quitté pour vous, hélas ! de plus sacrées ;
Et qu’ai-je à redouter des mœurs de vos contrées ?
Quels sont donc les humains qui peuplent vos États ?
Ont-ils fait quelques lois pour former des ingrats ?
Je suis loin d’être ingrat ; non, mon cœur ne peut l’être.
Sans doute...
Mais en moi vous ne verriez qu’un traître
Si, tout prêt à partir, je cachais à vos yeux
Un obstacle fatal opposé par les cieux.
Un obstacle !