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CONSTANCE

J’ai juré, Léonor, au tombeau de mon père,
De ne jamais m’unir à ce sang que je hais.

LEONOR

Serment d’aimer toujours, ou de n’aimer jamais,
Me paraît un peu téméraire.
Enfin, de peur des Rois et des amants, hélas !
Vous allez dans un cloître enfermer tant d’appas.


CONSTANCE

Je vais dans un couvent tranquille,
Loin de Gaston, loin des combats,
Cette nuit trouver un asile.


LEONOR

Ah ! c’était à Burgos, dans votre appartement,
Qu’était en effet le couvent.
Loin des hommes renfermés,
Vous n’avez pas vu seulement
Ce jeune et redoutable amant
Qui vous avait tant alarmée.
Grâce aux troubles affreux dont nos États font pleins,
Au moins dans ce château nous voyons des humains.
Le maître du logis, ce Baron qui vous prie
À dîner malgré vous, faute d’hôtellerie,
Est un Baron absurde, ayant assez de bien,
Grossièrement galant avec peu de scrupule ;
Mais un homme ridicule Vaut peut-être encore mieux que rien.


CONSTANCE

Souvent dans le loisir d’une heureuse fortune,
Le ridicule amuse, on se prête à ses traits ;
Mais il fatigue, il importune
Les cœurs infortunés et les esprits bien faits.

LEONOR

Mais un esprit bien fait peut remarquer, je pense,
Ce noble Cavalier si prompt à vous servir,
Qu’avec tant de respects, de soin, de complaisance,
Au devant de vos pas nous avons vu venir.

CONSTANCE

Vous le nommez ?

LEONOR

Je crois qu’il se nomme Alamir.