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POLYPHONTE

Ce mélange inouï d'horreur et de tendresse,
Ces transports dont votre âme à peine est la maîtresse,
Ces discours commencés, ce visage interdit,
Pourraient de quelque ombrage alarmer mon esprit.
Mais puis-je m'expliquer avec moins de contrainte ?
D'un déplaisir nouveau votre âme semble atteinte.
Qu'a donc dit ce vieillard que l'on vient d'amener ?
Pourquoi fuit-il mes yeux ? Que dois-je en soupçonner ?
Quel est-il ?

Mérope

Eh ! Seigneur, à peine sur le trône,
La crainte, le soupçon, déjà vous environne !

POLYPHONTE 

Partagez donc ce trône : et sûr de mon bonheur,
Je verrai les soupçons exilés de mon coeur.
L'autel attend déjà Mérope et Polyphonte.
Mérope, en pleurant.
Les dieux vous ont donné le trône de Cresphonte ;
Il y manquait sa femme, et ce comble d'horreur,  
Ce crime épouvantable...

Isménie

Eh ! Madame !

Mérope

Ah ! Seigneur,
Pardonnez... vous voyez une mère éperdue.
Les dieux m'ont tout ravi ; les dieux m'ont confondue.
Pardonnez... de mon fils rendez-moi l'assassin.

POLYPHONTE

Tout son sang, s'il le faut, va couler sous ma main. Venez, madame[1].

Mérope

Ô dieux ! Dans l'horreur qui me presse,
Secourez une mère, et cachez sa faiblesse.

  1. « A la f‍in du troisième acte, remarque avec raison Lessing, Polyphonte dit à
    Mérope que l'autel les attend, que tout est pret pour leur hymen, et il sort en disant : « Venez, madame. » Mais madame ne le suit pas, et s’en va par un autre côté en poussant une exclamation. Là-dessus, Polyphonte ouvre le quatrième acte, et n’exprime nullement son indignation de n’avoir pas été suivi au temple par la reine. » (G. A.)