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Défendez votre roi ; secourez l'innocence ;
Découvrez, rendez-moi ce fils que j'ai perdu,
Et méritez sa mère à force de vertu ;
Dans nos murs relevés rappelez votre maître :
Alors jusques à vous je descendrais peut-être ;
Je pourrais m'abaisser ; mais je ne puis jamais
Devenir la complice et le prix des forfaits.


Scène IV

Polyphonte, Érox.

Érox

Seigneur, attendez-vous que son âme fléchisse ?
Ne pouvez-vous régner qu'au gré de son caprice ?
Vous avez su du trône aplanir le chemin, 
Et pour vous y placer vous attendez sa main !

POLYPHONTE

Entre ce trône et moi je vois un précipice ;
Il faut que ma fortune y tombe ou le franchisse.
Mérope attend Égisthe ; et le peuple aujourd'hui,
Si son fils reparaît, peut se tourner vers lui. 
En vain, quand j'immolai son père et ses deux frères,
De ce trône sanglant je m'ouvris les barrières ;
En vain, dans ce palais, où la sédition
Remplissait tout d'horreur et de confusion,
Ma fortune a permis qu'un voile heureux et sombre
Couvrît mes attentats du secret de son ombre ;
En vain du sang des rois, dont je suis l'oppresseur,
Les peuples abusés m'ont cru le défenseur :
Nous touchons au moment où mon sort se décide.
S'il reste un rejeton de la race d'Alcide,  
Si ce fils, tant pleuré, dans Messène est produit,
De quinze ans de travaux j'ai perdu tout le fruit.
Crois-moi, ces préjugés de sang et de naissance
Revivront dans les coeurs, y prendront sa défense.
Le souvenir du père, et cent rois pour aïeux, 
Cet honneur prétendu d'être issu de nos dieux,
Les cris, le désespoir, d'une mère éplorée,
Détruiront ma puissance encor mal assurée.
Égisthe est l'ennemi dont il faut triompher.