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AVERTISSEMENT.

Nos usages permettraient encore moins que la confidente de Mérope engageât le jeune Égisthe à dormir sur la scène, afin de donner le temps à la reine de venir l’y assassiner. Ce n’est pas, encore une fois, que tout cela ne soit dans la nature ; mais il faut que vous pardonniez à notre nation, qui exige que la nature soit toujours présentée avec certains traits de l’art, et ces traits sont bien différents à Paris et à Vérone.

Pour donner une idée sensible de ces différences que le génie des nations cultivées met entre les mêmes arts, permettez-moi, monsieur, de vous rappeler ici quelques traits de votre célèbre ouvrage qui me paraissent dictés par la pure nature. Celui qui arrête le jeune Cresphonte, et qui lui prend sa bague, lui dit (I, iv) :


· · · · · · · · · · · · · · · Or dunque in tuo paese i servi
Han di coteste gemme ? Un bel paese
Fia questo tuo ; nel nostro una tal gemma
Ad un dito régal non sconverrebbe.


Je vais prendre la liberté de traduire cet endroit en vers blancs, comme votre pièce est écrite, parce que le temps qui me presse ne me permet pas le long travail qu’exige la rime.


Les esclaves, chez vous, portent de tels joyaux !
Votre pays doit être un beau pays, sans doute ;
Chez nous de tels anneaux ornent la main des rois.


Le confident du tyran lui dit, en parlant de la reine, qui refuse d’épouser après vingt ans l’assassin reconnu de sa famille :

La donna, come sai, ricusa e brama. (K, ni.)

La femme, comme on sait, nous refuse et désire.


La suivante de la reine répond au tyran, qui la presse de disposer sa maîtresse au mariage (II, iv) :


· · · · · · · · · · · · · · · Dissimulato in vano
Soffre di febbre assalto : alquanti giorni
Donare è forza a rinfrancar suoi spirti.

On ne peut vous cacher que la reine à la fièvre ;
Accordez quelque temps pour lui rendre ses forces.


Dans votre quatrième acte, le vieillard Polydore demande à un homme de la cour de Mérope qui il est. Je suis Eurisès, le fils de