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J’ai voulu redoubler ; ce vieillard vénérable
A jeté dans mes bras un cri si lamentable !
La nature a tracé dans ses regards mourants
Un si grand caractère, et des traits si touchants !…
De tendresse et d’effroi mon âme s’est remplie,
Et, plus mourant que lui, je déteste ma vie.

Palmire.

Fuyons vers Mahomet qui doit nous protéger :
Près de ce corps sanglant vous êtes en danger.
Suivez-moi.

Séide.

Suivez-moi.Je ne puis. Je me meurs. Ah ! Palmire !…

Palmire.

Quel trouble épouvantable à mes yeux le déchire !

Séide, en pleurant.

Ah ! Si tu l’avais vu, le poignard dans le sein,
S’attendrir à l’aspect de son lâche assassin !
Je fuyais. Croirais-tu que sa voix affaiblie
Pour m’appeler encore a ranimé sa vie ?
Il retirait ce fer de ses flancs malheureux.
Hélas ! Il m’observait d’un regard douloureux.
« Cher Séide, a-t-il dit, infortuné Séide ! »
Cette voix, ces regards, ce poignard homicide,
Ce vieillard attendri, tout sanglant à mes pieds,
Poursuivent devant toi mes regards effrayés.
Qu’avons-nous fait ?

Palmire.

Qu’avons-nous fait ?On vient, je tremble pour ta vie.
Fuis au nom de l’amour et du nœud qui nous lie.

Séide.

Va, laisse-moi. Pourquoi cet amour malheureux
M’a-t-il pu commander ce sacrifice affreux ?
Non, cruelle ! Sans toi, sans ton ordre suprême,
Je n’aurais pu jamais obéir au ciel même.

Palmire

De quel reproche horrible oses-tu m’accabler !
Hélas ! Plus que le tien mon cœur se sent troubler.
Cher amant, prends pitié de Palmire éperdue !

Séide.

Palmire ! quel objet vient effrayer ma vue ?

(Zopire paraît, appuyé sur l’autel, après s’être relevé derrière cet autel où il a reçu le coup.)