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ACTE DEUXIÈME.


Scène I.

SÉIDE[1], PALMIRE.
Palmire.

Dans ma prison cruelle est-ce un dieu qui te guide ?
Mes maux sont-ils finis ? Te revois-je, Séide ?

Séide.

Ô charme de ma vie et de tous mes malheurs !
Palmire, unique objet qui m’a coûté des pleurs,
Depuis ce jour de sang qu’un ennemi barbare,
Près des camps du prophète, aux bords du Saïbare,
Vint arracher sa proie à mes bras tout sanglants ;
Qu’étendu loin de toi sur des corps expirants,
Mes cris mal entendus sur cette infâme rive
Invoquèrent la mort sourde à ma voix plaintive,
Ô ma chère Palmire, en quel gouffre d’horreur
Tes périls et ma perte ont abîmé mon cœur !
Que mes feux, que ma crainte, et mon impatience,
Accusaient la lenteur des jours de la vengeance !
Que je hâtais l’assaut si longtemps différé,
Cette heure de carnage, où, de sang enivré,
Je devais de mes mains brûler la ville impie
Où Palmire a pleuré sa liberté ravie !
Enfin de Mahomet les sublimes desseins,
Que n’ose approfondir l’humble esprit des humains,
Ont fait entrer Omar en ce lieu d’esclavage ;
Je l’apprends, et j’y vole. On demande un otage ;
J’entre, je me présente ; on accepte ma foi,
Et je me rends captif, ou je meurs avec toi.

  1. Ce nom propre est resté dans la langue pour désigner une espèce de fanatique, aveuglément dévoué à un chef, à une cause ou à un parti.
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