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AVIS DE L’ÉDITEUR[1]


J’ai cru rendre service aux amateurs des belles-lettres de publier une tragédie du Fanatisme, si défigurée en France par deux éditions subreptices. Je sais très-certainement qu’elle fut composée par l’auteur en 1736[2], et que dès lors il en envoya une copie au prince royal, depuis roi de Prusse, qui cultivait les lettres avec des succès surprenants, et qui en fait encore son délassement principal.

J’étais à Lille en 1741, quand M. de Voltaire y vint passer quelques jours ; il y avait la meilleure troupe d’acteurs qui ait jamais été en province. Elle représenta cet ouvrage d’une manière qui satisfit beaucoup une très-nombreuse assemblée : le gouverneur de la province et l’intendant y assistèrent plusieurs fois. On trouva que cette pièce était d’un goût si nouveau, et ce sujet si délicat parut traité avec tant de sagesse, que plusieurs prélats voulurent en voir une représentation par les mêmes acteurs dans une maison particulière. Ils jugèrent comme le public.

L’auteur fut encore assez heureux pour faire parvenir son manuscrit entre les mains d’un des premiers hommes de l’Europe et de l’Église[3], qui soutenait le poids des affaires avec fermeté, et qui jugeait des ouvrages d’esprit avec un goût très-sûr dans un âge où les hommes parviennent rarement, et où l’on conserve encore plus rarement son esprit et sa délicatesse. Il dit que la

  1. Cet Avis est de Voltaire, comme l’ont dit les éditeurs de Kehl, page 95, et fut imprimé pour la première fois, avec la date et la signature que je rétablis, dans une édition portant l’adresse d’Amsterdam et le millésime 1743. (B.)
  2. Dans sa lettre à Frédéric, du 1er septembre 1738, Voltaire parle du premier acte comme déjà envoyé, et du deuxième comme devant l’être sous quinze jours. Cependant, le 9 août 1739, le prince n’avait pas encore reçu ce deuxième acte. Il lui était parvenu le 9 septembre ; les troisième et quatrième actes furent envoyés dans le même mois. Le cinquième n’était pas encore transcrit en novembre. Le 23 février 1740, Voltaire annonce qu’il faisait recopier la pièce entière, après l’avoir retouchée : le paquet était parti avant le 19 mars. (B.)
  3. Le cardinal de Fleury. (Note de Voltaire.)