Page:Volney - Les Ruines, 1826.djvu/99

Cette page n’a pas encore été corrigée

de satellites. On lui a dit que la vertu des rois était la libéralité ; la magnificence et les trésors des peuples ont été livrés aux mains des adulateurs : à l’imitation du maître, les esclaves ont aussi voulu avoir des maisons superbes, des meubles d’un travail exquis, des tapis brodés à grands frais, des vases d’or et d’argent pour les plus vils usages, et toutes les richesses de l’empire se sont englouties dans le séraï. Pour suffire à ce luxe effréné, les esclaves et les femmes ont vendu leur crédit ; et la vénalité a introduit une dépravation générale : ils ont vendu la faveur suprême au visir ; et le visir a vendu l’empire. Ils ont vendu la loi au cadi ; et le cadi a vendu la justice. Ils ont vendu au prêtre l’autel ; et le prêtre a vendu les cieux ; et l’or conduisant à tout, l’on a tout fait pour obtenir l’or : pour l’or, l’ami a trahi son ami ; l’enfant, son père ; le serviteur, son maître ; la femme, son honneur ; le marchand, sa conscience ; et il n’y a plus eu dans l’état ni bonne-foi, ni moeurs, ni concorde, ni force. Et le pacha, qui a payé le gouvernement de sa province, en a fait une ferme, et y a exercé toute concussion. à son tour, il a vendu la perception des impôts, le commandement des troupes, l’administration des villages ; et comme


tout emploi a été passager, la rapine, répandue de grade en grade, a été hâtive et précipitée. Le douanier a rançonné le marchand, et le négoce s’est anéanti : l’aga a dépouillé le cultivateur ;