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puis, après le choc, il en restait plusieurs sans mouvement… et tandis qu’inquiet de tout ce spectacle, je m’efforçais de distinguer les objets : -vois-tu, me dit le génie, ces feux qui courent sur la terre, et comprends-tu leurs effets et leurs causes ? —ô génie, répondis-je, je vois des colonnes de flammes et de fumée, et comme des insectes qui les accompagnent ; mais quand déjà je saisis à peine les masses des villes et des monumens, comment pourrais-je discerner de si petites créatures ? Seulement on dirait que ces insectes


simulent des combats, car ils vont, viennent, se choquent, se poursuivent. — ils ne les simulent pas, dit le génie, ils les réalisent. — et quels sont, repris-je, ces animalcules insensés qui se détruisent ? Ne périront-ils pas assez tôt, eux qui ne vivent qu’un jour ?… alors le génie me touchant encore une fois la vue et l’ouïe : vois, me dit-il, et entends. -aussitôt, dirigeant mes yeux sur les mêmes objets : ah ! Malheureux, m’écriai-je saisi de douleur, ces colonnes de feux ! Ces insectes ! ô génie ! Ce sont les hommes, ce sont les ravages de la guerre !… ils partent des villes et des hameaux, ces torrens de flammes ! Je vois les cavaliers qui les allument, et qui, le sabre à la main, se répandent dans les campagnes ; devant eux fuient des troupes éperdues d’enfans, de femmes, de vieillards : j’aperçois d’autres cavaliers qui, la lance sur l’épaule, les accompagnent et les guident. Je reconnais même à leurs chevaux en lesse, à leurs kalpaks, à leur touffe de