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LES RUINES.

hommes ! ainsi s’évanouissent les empires et les nations !

Et l’histoire des temps passés se retraça vivement à ma pensée ; je me rappelai ces siècles anciens où vingt peuples fameux existaient en ces contrées ; je me peignis l’Assyrien sur les rives du Tigre, le Kaldéen sur celles de l’Euphrate, le Perse régnant de l’Indus à la Méditerranée. Je dénombrai les royaumes de Damas et de l’Idumée, de Jérusalem et de Samarie, et les états belliqueux des Philistins, et les républiques commerçantes de la Phénicie. Cette Syrie, me disais-je, aujourd’hui presque dépeuplée, comptait alors cent villes puissantes ; ses campagnes étaient couvertes de villages, de bourgs et de hameaux[1]. De toutes parts l’on ne voyait que champs cultivés, que chemins fréquentés, qu’habitations pressées… Ah ! que sont devenus ces âges d’abondance et de vie ? que sont devenues tant de brillantes créations de la main de l’homme ? Où sont-ils ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Persépolis, ces temples de Balbeck et de Jérusalem ? Où sont ces flottes de Tyr, ces chantiers d’Arad, ces ateliers de Sidon, et cette multitude de matelots, de pilotes, de marchands, de soldats ? et ces labou-

  1. D’après les calculs de Josèphe et de Strabon, la Syrie a dû contenir dix millions d’habitants ; elle n’en a pas deux aujourd’hui.