Page:Volney - Œuvres choisies, Lebigre, 1836.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xiii
DE C.-F. VOLNEY

obstacle, le jeune voyageur eut le courage d’aller s’enfermer huit mois chez les Druses, dans un couvent arabe situé au milieu des montagnes du Liban.

Là, il se livra à l’étude avec son ardeur ordinaire. Il eut d’autant plus de difficultés à vaincre qu’il était privé du secours des grammaires et des dictionnaires ; il lui fallait, pour ainsi dire, être son propre maître et se créer une méthode ; il sentit la nécessité et conçut le projet de faciliter un jour aux Européens l’étude des langues orientales.

Il employait ses moments de loisir à converser avec les moines, à s’informer des mœurs des Arabes, des variations du climat et des diverses formes de gouvernement sous lesquelles gémissent les malheureux habitants de ces contrées dévastées. Là, comme en Europe, il ne vit que despotisme, que dilapidation des deniers du peuple ; là, comme en Europe, il vit un petit nombre d’êtres privilégiés s’arroger insolemment le fruit des sueurs du plus grand nombre, et, comptant sur les armes de leurs soldats, n’opposer aux clameurs du peuple que la violence et l’abus de leur force. Ces tristes observations augmentaient sa mélancolie habituelle : trop profond pour ne pas soulever le voile de l’avenir, il ne prévoyait que trop les malheurs qui devaient accabler une patrie qui lui était si chère, et dont il ne s’était éloigné que pour bien mériter d’elle.