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NOTICE SUR LA VIE ET LES ÉCRITS

à rester des journées entières sans prendre de nourriture, à franchir de larges fossés, à escalader des murailles élevées, à régulariser son pas, afin de pouvoir mesurer exactement un espace par le temps qu’il mettrait à le parcourir. Tantôt il dormait en plein air, tantôt il s’élançait sur un cheval et le montait sans bride ni selle, à la manière des Arabes ; se livrant ainsi à mille exercices pénibles et périlleux, mais propres à endurcir son corps à la fatigue. On ne savait à quoi attribuer son air farouche et sauvage ; on taxait d’extravagance cette conduite extraordinaire, attribuant ainsi à la folie ce qui n’était que la fermentation du génie.

Après une année de ces épreuves diverses, il résolut de mettre son grand dessein à exécution. De peur de n’être pas approuvé, il crut devoir le cacher à son père, mais il se hâta d’en faire part à son oncle. À peine lui eut-il communiqué qu’il ne s’agissait rien moins que de visiter des pays presque inconnus aux habitants de l’Europe, et dont les langages sont si différents des nôtres, qu’effrayé de la hardiesse de ce projet qu’il croyait impraticable, son digne ami ne négligea aucun moyen de l’en dissuader, mais en vain : Constantin fut inébranlable. « Ce qui distingue particulièrement un homme de génie, a dit un écrivain[1],

  1. Suard, Vie du Tasse.