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LES RUINES.

famille ; et puisque le genre humain n’a qu’une même constitution, qu’il n’existe plus pour lui qu’une loi, celle de la nature ; qu’un même code, celui de la raison ; qu’un même trône, celui de la justice ; qu’un même autel, celui de l’union. »

Il dit ; et une acclamation immense s’éleva jusqu’aux cieux : mille cris de bénédiction partirent du sein de la multitude ; et les peuples, dans leurs transports, firent retentir la terre des mots d’égalité, de justice, d’union. Mais bientôt à ce premier mouvement en succéda un différent ; bientôt les docteurs, les chefs des peuples, les excitant à la dispute, je vis naître d’abord un murmure, puis une rumeur, qui, se communiquant de proche en proche, devint un vaste désordre ; et chaque nation élevant des prétentions exclusives, réclamait la prédominance pour son code et son opinion.

« Vous êtes dans l’erreur, se disaient les partis en se montrant du doigt les uns les autres ; nous seuls possédons la vérité et la raison ; nous seuls avons la vraie loi, la vraie règle de tout droit, de toute justice, le seul moyen du bonheur, de la perfection ; tous les autres hommes sont des aveugles ou des rebelles. » Et il régnait une agitation extrême.

Mais le législateur ayant réclamé le silence : « Peuples, dit-il, quel mouvement de passion vous agite ? Où vous conduira cette querelle ? Qu’attendez-vous de cette dissension ! Depuis des