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CHAPITRE XIV.

dans la réforme subite de toute une nation vivant d’abus, chaque individu disloqué souffrît patiemment les privations et le changement de ses habitudes ; que cette nation enfin fût assez courageuse pour conquérir sa liberté, assez instruite pour l’affermir, assez puissante pour la défendre, assez généreuse pour la partager : et tant de conditions pourront-elles jamais se rassembler ? Et lorsqu’en ses combinaisons infinies, le sort produirait enfin celle-là, en verrai-je les jours fortunés ? et ma cendre ne sera-t-elle pas dès long-temps refroidie ? »

À ces mots, ma poitrine oppressée se refusa à la parole… Le Génie ne me répondit point ; mais j’entendis qu’il disait à voix basse : « Soutenons l’espoir de cet homme ; car si celui qui aime ses semblables se décourage, que deviendront les nations ? Et peut-être le passé n’est-il que trop propre à flétrir le courage ? Eh bien ! anticipons le temps à venir ; dévoilons à la vertu le siècle étonnant près de naître, afin qu’à la vue du but qu’elle désire, ranimée d’une nouvelle ardeur, elle redouble l’effort qui doit l’y porter. »