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LES RUINES.

Et l’administration étant secrète et mystérieuse, il n’exista aucun moyen de réforme ni d’amélioration ; les chefs ne régissant que par la violence et la fraude, les peuples ne virent plus en eux qu’une faction d’ennemis publics, et il n’y eut plus aucune harmonie entre les gouvernés et les gouvernants.

Et tous ces vices ayant énervé les États de l’Asie opulente, il arriva que les peuples vagabonds et pauvres des déserts et des monts adjacents convoitèrent les jouissances des plaines fertiles ; et, par une cupidité commune, ayant attaqué les empires policés, ils renversèrent les trônes des despotes ; et ces révolutions furent rapides et faciles, parce que la politique des tyrans avait amolli les sujets, rasé les forteresses, détruit les guerriers ; et parce que les sujets accablés restaient sans intérêt personnel, et les soldats mercenaires sans courage.

Et des hordes barbares ayant réduit des nations entières à l’état d’esclavage, il arriva que les empires formés d’un peuple conquérant et d’un peuple conquis, réunirent en leur sein deux classes essentiellement opposées et ennemies. Tous les principes de la société furent dissous : il n’y eut plus ni intérêt commun, ni esprit public ; et il s’établit une distinction de castes et de 'races, qui réduisit en système régulier le maintien du désordre ; et selon que l’on naquit d’un certain sang,