Page:Volney - Œuvres choisies, Lebigre, 1836.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
LES RUINES.

celui-là, irrita les passions de tous ; opposant les intérêts ou les préjugés, il sema les divisions et les haines, promit au pauvre la dépouille du riche, au riche l’asservissement du pauvre, menaça un homme par un homme, une classe par une classe ; et isolant tous les citoyens par la défiance, il fit sa force de leur faiblesse, et leur imposa un joug d’opinion, dont ils se serrèrent mutuellement les nœuds. Par l’armée, il s’empara des contributions ; par les contributions, il disposa de l’armée ; par le jeu correspondant des richesses et des places, il enchaîna tout un peuple d’un lien insoluble, et les États tombèrent dans la consomption lente du despotisme.

Ainsi, un même mobile, variant son action sous toutes les formes, attaqua sans cesse la consistance des États, et un cercle éternel de vicissitudes naquit d’un cercle éternel de passions.

Et cet esprit constant d’égoïsme et d’usurpation engendra deux effets principaux également funestes : l’un, que divisant sans cesse les sociétés dans toutes leurs fractions, il en opéra la faiblesse et en facilita la dissolution ; l’autre, que tendant toujours à concentrer le pouvoir en une seule main, il occasiona un engloutissement successif de sociétés et d’États, fatal à leur paix et à leur existence commune.

En effet, de même que dans un État, un parti avait absorbé la nation, puis une famille le parti,