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rentoilage, l’administration avait désigné un assez médiocre portrait d’inconnu, peinture lourde et sans style qu’on s’étonnait de rencontrer dans les collections du Louvre. En l’examinant de près, le rentoileur s’aperçut qu’une figure plus ancienne était dissimulée sous des repeints grossiers, surajoutés par une main étrangère. Un de nos plus habiles restaurateurs débarrassa la toile de cette surcharge : après qu’il eut mené à bien ce travail délicat, on se trouva en présence d’un portrait nouveau, œuvre superbe, où les experts n’hésitent pas à reconnaître la manière de Léonard de Vinci. Quelques traits de l’inconnu ne sont qu’ébauchés, ce qui explique peut-être le sacrilège qu’un élève du maître s’était permis ; la physionomie est néanmoins admirable d’expression et de vie, avec cette sérénité qui distingue les compositions du grand peintre toscan. Dans le rapport qu’il vient de faire sur cette trouvaille, M. le sous-secrétaire d’État aux beaux-arts dit fort justement : « Il nous a semblé qu’une âme, enfin dégagée de son enveloppe, se révélait à nous dans toute sa liberté et sa beauté. »