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Et quand je le voudrais, le pourraient-ils souffrir ?
Dans ces vaisseaux ingrats qu’ils m’ont vu secourir,
Les cruels voudraient-ils m’accorder une place ?
Ah ! de Laomédon connais la digne race :
Après leurs trahisons, après leurs attentats,
Malheureuse ! peux-tu ne les connaître pas ?
D’ailleurs, suivrai-je seule une foule insolente ?
Et mon peuple, jouet de ma fortune errante,
Lui qu’avec tant de peine on arracha de Tyr,
A cet exil nouveau voudra-t-il consentir ?
Malheureuse ! bannis un espoir inutile.
Meurs, tu l’as mérité, meurs, voilà ton asile.
C’est toi, ma sœur, c’est toi qui, cédant à mes pleurs,
M’as livrée à ce traître, as fait tous mes malheurs.
Que n’ai-je pu, grands dieux !dans un chaste veuvage,
Conserver de mon cœur la rudesse sauvage,
Au sein de la vertu fuir ces affreux tourments !
Mânes de mon époux, j’ai trahi mes serments ! »
Tels étaient ses transports et son trouble funeste.
  Le héros, cependant, plein de l’ordre céleste,
Pour sa fuite, à regret, avait tout préparé ;
Le sommeil de ses sens enfin s’est emparé :