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avec lui. Bientôt la discorde éclate : le monstre, aveuglé par la soif de l’or, fond un jour sur Sichée dans l’ombre des saints mystères, et bravant à la fois les dieux, la nature et l’amour, le poignarde au pied des autels. Toutefois le perfide sut long-temps cacher son forfait ; et sans cesse inventant de nouveaux mensonges, long-temps il abusa d’un vain espoir cette malheureuse épouse. Mais un songe vêridique vint offrir à l’infortunée l’ombre sanglante de son époux, privé de sépulture, et levant du sein des ténèbres, son front couvert d’une horrible pâleur. Le spectre en courroux lui montre l’autel sanglant, lui montre ses flancs nus percés du glaive fratricide ; et déchire le voile dont une cour odieuse enveloppait ses trames. « Fuis, ô veuve de Sichée, fuis la terre qui t’a vue naître, » dit-il alors d’une voix lamentable ; et pour favoriser sa course lointaine, il découvre à ses yeux, dans les entrailles de la terre, le vaste amas d’un trésor long-temps ignoré.

Saisie d’effroi, Didon abjure sa funeste patrie, et rassemble à la hâte ses nombreux partisans. Autour d’elle se rallient tous ceux que la haine anime contre un tyran cruel, ou qui redoutent sa vengeance. Le hasard leur présente au port des vaisseaux prêts à s’éloigner : la troupe s’en saisit, et les charge d’or. Les mers emportent les richesses de l’avare Pygmalion : une femme a conduit cette grande entreprise. C’est en ces lieux qu’ils arrivèrent. Alors ne s’élevaient pas encore ces superbes remparts, ces tours élevées jusqu’aux cieux, dont la naissante Carthage va bientôt frapper votre vue. Ils achetèrent