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affliger tes neveux ? Ce prince aimable, les destins ne feront que le montrer au monde : il n’y brillera qu’un matin. Rome vous eût paru trop puissante, dieux immortels, s’il eût assez vécu pour la grandeur romaine. Quels gémissemens, quels sanglots suivront ses funérailles, des murs superbes de Quirinus au vaste champ de Mars ! quel deuil tu verras sur tes bords, dieu du Tibre, quand tu baigneras dans ton cours son récent mausolée ! Jamais enfant sorti du beau sang d’Ilion ne portera plus haut les espérances de l’Italie ; jamais la terre de Romulus ne s’applaudira d’un plus digne rejeton. Ô piété ! ô candeur des premiers âges ! ô valeur invincible dans les combats ! On n’eût pas impunément affronté son glaive, soit qu’il fondît à pied sur les rangs ennemis, soit qu’il pressât de l’éperon un coursier blanchissant d’écume. Ah ! jeune infortuné ! si tu peux triompher de la rigueur du sort, tu seras Marcellus !… Donnez à pleines mains, donnez et les lis et les roses ; que je couvre sa tombe d’une moisson de fleurs ; que l’ombre de mon petit-fils me doive du moins ces légères offrandes ; et que ces vains honneurs, s’il se peut, la consolent ! »

Ainsi parcourant l’Élysée, ils en admiraient les riantes campagnes et les merveilles ineffables : ainsi dévoilant au héros les mystères de l’avenir, Anchise allumait dans cette âme généreuse la noble soif de la gloire. Il lui raconte ensuite les guerres qui vont éprouver son courage, lui fait connaître les peuples de Laurente, les forces de Latinus, et lui marque,