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de succès, et donnent au marbre inanimé la parole et la vie ; qu’ils étalent avec plus de pompe les trésors de l’éloquence ; que leur docte compas excelle à décrire le mouvement des cieux, à mesurer le cours des astres. Toi, Rome, le sort t’appelle à régir l’univers. Subjugue et pacifie le monde ; épargne les nations soumises, et confonds les superbes : voilà tes arts, voilà ta gloire. »

Tels étaient les discours d’Anchise ; et le couple charmé l’écoutait en extase. Anchise ajoute : « Voici Marcellus. Comme il s’avance fièrement, chargé des dépouilles opimes ! Comme son front vainqueur se lève au-dessus des héros vulgaires ! Appui de Rome chancelante au milieu des orages, son bras la retient dans sa chute. Ses rapides escadrons châtient l’audace de Carthage, domptent le Gaulois rebelle, et, pour la troisième fois, l’armure des rois vaincus décore les autels de nos dieux. »

À côté de cette ombre altière marchait un jeune guerrier, paré des grâces du bel âge, et couvert d’armes éclatantes ; mais son regard est triste, son air est abattu. « Quelle est, ô mon père, dit Énée, quelle est cette ombre qui semble se complaire auprès de ce grand homme ? Est-ce son fils ? est-ce quelqu’un de ses illustres descendans ? De quel murmure flatteur la foule empressée l’environne ! Quelle ressemblance entre ces deux guerriers ! Hélas ! un sombre nuage s’épaissit autour de sa tête, pareil à la nuit du trépas ! » À ces mots, l’auguste vieillard laisse échapper des larmes : « Ô mon fils ! pourquoi sonder la plaie profonde qui doit