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de l’Ausonie. » — « Se peut-il, ô mon père ! quoi ! des âmes vertueuses iraient, quittant ces beaux lieux, s’exiler parmi les humains, et s’enchaîner de nouveau à des corps périssables ! Hélas ! quel aveugle amour de la vie ! » — « Écoute ; je veux, mon fils, t’expliquer ces mystères. » Alors Anchise lui révèle en ces termes les secrets de la nature :

« D’abord, et le ciel, et la terre, et les plaines liquides, et le flambeau lumineux des nuits, et l’astre étincelant du jour, recèlent un feu divin qui leur sert d’aliment. Répandue dans les veines du monde, une âme universelle imprime le mouvement à l’univers, et se mêle à ce grand corps. C’est par elle que respirent l’homme et les animaux, le peuple ailé qui fend les nues, et les monstres qui nagent dans le gouffre des mers. La flamme qui les anime vit sans jamais s’éteindre ; rien n’en dément la céleste origine, tant qu’un limon grossier n’en corrompt pas l’essence, qu’elle ne languit point enfermée dans des organes terrestres et des membres mortels. Funeste alliance ! source de craintes et de désirs, de douleurs et de joies ! L’esprit alors, captif dans une obscure prison, ne peut en percer les ténèbres et contempler les cieux. Même à l’heure suprême, quand il échappe enfin à ses liens charnels, ses misères, hélas ! ne sont point à leur terme. Il porte encore l’empreinte des souillures du corps ; la lèpre invétérée du vice le suit dans les enfers. Alors commencent les jours d’épreuves ; alors s’expient dans les souffrances les fautes du passé. Ici les âmes, suspendues dans le vide, sont le jouet des vents ; là,