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tant de supplices. » Ainsi l’antique prêtresse instruisait le héros. « Maintenant, poursuit-elle, achève ton ouvrage ; voici ta route ; le temps presse, hâtons-nous. Je découvre les murs d’airain, forgés dans l’antre des Cyclopes ; sous ces voûtes profondes, j’aperçois les portes sacrées : c’est là que le ciel nous ordonne de déposer notre offrande. » À ces mots, ils s’avancent ensemble à travers d’épais ombrages ; et suivant l’avenue qui les éloigne du Tartare, ils arrivent au palais du dieu. Bientôt le fils d’Anchise en a touché le seuil ; et dès qu’une onde vive l’a purifié de ses souillures, il suspend au portique vénéré le rameau qu’attend Proserpine.

Cet hommage a rendu la déesse propice. Devant eux se déploient enfin de riantes campagnes, des vergers délicieux, de fortunés bocages. C’est le séjour de la félicité. Là, sous un plus beau ciel, circule un air plus pur. Une lumière inaltérable y revêt d’azur et de pourpre les coteaux et les plaines. Cet heureux monde a son soleil et ses étoiles. Les uns s’y plaisent, en leurs aimables jeux, à disputer ou de force ou d’adresse, à lutter tour à tour sur des pelouses fleuries, sur un sable doré. D’autres, formant des chœurs, frappent la terre d’un pied nombreux, et dansent au doux bruit des concerts. À leur tête, le divin chantre de la Thrace, en longs habits flottans, marie les accords de sa voix aux sept tons de sa lyre ; et les cordes frémissent, tantôt sous ses doigts errans, tantôt sous son archet d’ivoire. Non loin sont réunis au grand Teucer les nobles soutiens de sa race,