Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

séditieux ; les factions se taisent, on s’arrête, et, l’oreille, attentive, on écoute : il parle ; et sa voix imposante calme les esprits et subjugue les cœurs. Ainsi tomba tout-à-coup ce long fracas des mers, sitôt que le Dieu, promenant ses regards sur les flots, et rasant l’onde azurée sous un ciel sans nuages, eut abandonné les rênes à ses coursiers, et fait voler son char sur la plaine humide.

Épuisés de fatigues, les Troyens dirigent péniblement leur course vers les plages voisines ; et les vents les conduisent aux rivages de la Libye. Au sein d’une baie profonde s’ouvre un bassin immense.. Une île en défend les approches, et forme un port naturel. Ses flancs battus des mers brisent la vague mugissante ; et l’onde qu’ils partagent, fuit à l’entour par deux gorges étroites. Sur l’un et l’autre bord se prolongent des rochers énormes, dont la cime sourcilleuse semble menacer le ciel : sous leur vaste abri, le flot dort immobile. Au penchant de ces monts, d’épaisses forêts se déploient en double amphithéâtre ; et leur noir ombrage prolonge au loin sur les eaux sa ténébreuse horreur. Au fond du golfe, sous des roches pendantes, un antre frais offre un réduit paisible : des sources limpides l’arrosent en murmurant, et des siéges taillés dans le roc invitent au doux repos : c’est la retraite des nymphes. Là, pour braver la tempête, la nef n’attend point que le câble l’enchaîne : l’ancre à la dent recourbée n’y mord point le rivage.

C’est dans ces lieux tranquilles que le héros se réfugie : sept vaisseaux l’accompagnent, seul débris de sa nombreuse flotte. Enchantés de revoir la terre, les Troyens