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ciel s’est enveloppé d’un crêpe nébuleux, et qu’une obscurité jalouse dérobe aux objets leur couleur.

Au seuil des enfers, sous les portiques de Pluton, siègent le Chagrin et les Remords vengeurs. Là, résident les pâles Maladies, et la triste Vieillesse, et la Peur, et la Faim, sinistre conseillère, et l’Indigence en lambeaux, spectres hideux. À côté sont la Mort et la Douleur, le Sommeil, frère de la Mort, et les fausses Joies, enfans du Crime. Vis à vis on entend rugir la Guerre affamée de meurtres, et les Euménides sur leur couche de fer, et la Discorde insensée, dont la coiffure de vipères s’entrelace de festons sanglans. Au centre, un orme ombreux, immense, élève ses rameaux et ses bras séculaires : c’est là, dit-on, qu’habitent les Songes fantastiques, hôtes innombrables de son mouvant feuillage. Plus loin, sous mille aspects difformes, mille effroyables monstres gardent l’entrée fatale. On y voit les Centaures et les Scylles, s’agitant sous leur double forme ; Briarée aux cent bras ; et l’hydre de Lerne, poussant d’affreux sifflemens ; et la Chimère, armée de flammes : on y voit et les Harpies, et les Gorgones, et le triple Géryon, fier de sa triple masse. Frappé d'une subite horreur, Énée saisit son glaive, et présente la pointe acérée aux larves qui l’obsèdent. Mais sa docte compagne l’arrête : ces légers simulacres, voltigeant autour du héros, n’ont d’un corps que l’apparente image ; vainement il fondrait sur eux, le fer n’atteindrait que des ombres.

De là s’étend vers le Tartare la route qui mène à l’Achéron, vaste gouffre, dont les eaux troubles et