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quand la flamme s’est éteinte, on lave dans le vin ces restes desséchés, vaine poussière qui fume encore ; on en sépare les ossemens, et Corynée les enferme dans une urne de bronze. Trois fois le saint pontife promène une onde lustrale autour des assistans, en secouant trois fois sur eux le rameau d’olivier, et trois fois les asperge d’une rosée légère. La foule ainsi purifiée, il prononce l’adieu suprême. Sur les hauteurs voisines, Énée consacre aux mânes de son ami un pompeux mausolée, que décorent la lance, et la trompette, et la rame du guerrier qui n’est plus. Le mont superbe où la tombe repose a gardé le nom de Misène ; et ce nom, vivant d’âge en âge, doit triompher des siècles.

Quitte envers l’amitié, le héros vole accomplir les derniers ordres de la Sibylle. Il est une caverne profonde, vaste et béant abîme, creusé sous d’énormes roches, et que défendent un lac noirâtre et des bois ténébreux. Au-dessus de ces voûtes sinistres, jamais l’oiseau léger ne fendit impunément la nue ; tant les vapeurs mortelles, exhalées de l’horrible gouffre, s’élèvent, et remplissent l’immensité des airs ! Ce lieu funeste, c’est l’Averne ; ainsi la Grèce l’appelle encore. Là, pour premier hommage, Énée dévoue quatre taureaux noirs. La prêtresse épanche un vin pur entre leur double corne ; et, coupant les crins épars sur leur tête sauvage, sa main présente au feu sacré ces prémices du sacrifice, tandis que sa voix formidable invoque Hécate à grands cris, Hécate, qui règne au ciel et qui règne aux enfers. Le couteau frappe les victimes, et leur sang tombe à gros bouillons dans les patères écumantes. Lui-même, marquant